[Rois maudits 6] le lis et le lion by Maurice Druon

[Rois maudits 6] le lis et le lion by Maurice Druon

Auteur:Maurice Druon [Druon, Maurice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
ISBN: 9782253004653
Publié: 1960-01-27T23:00:00+00:00


VI

LA MALE REINE

Aller de Conches à Paris en une seule journée, c’était une rude étape, même pour un cavalier entraîné, et qui exigeait un cheval solide. Robert d’Artois laissa en route deux de ses écuyers dont les montures étaient tombées boiteuses. Il arriva de nuit dans la cité, trouva, malgré l’heure tardive, les rues encore encombrées de bandes joyeuses qui fêtaient l’An neuf. Des ivrognes vomissaient dans l’ombre, sur le seuil des tavernes ; des femmes se tenaient par le bras, chantant à tue-tête et le pas mal assuré, comme dans le conte de Watriquet.

Sans égard pour cette roture que le poitrail de son cheval bousculait. Robert alla droit au Palais. Le capitaine de garde lui apprit que le roi était venu dans la journée, pour recevoir les vœux des bourgeois, mais qu’il était reparti pour Saint-Germain.

Robert, alors, franchissant le pont, alla au Châtelet. Un pair de France pouvait se permettre de réveiller le gouverneur. Or, celui-ci, interrogé, déclara n’avoir reçu, ni la veille ni ce jour, aucune dame qui se nommât Jeanne de Divion, ni qui ressemblât à sa description.

Si elle n’était au Châtelet, elle devait être au Louvre, car on n’incarcérait, d’ordre du roi, qu’en ces deux places-là.

Robert poussa donc jusqu’au Louvre ; mais le capitaine lui fit la même réponse. Alors, où était la Divion ? Robert avait-il cheminé plus vite que les sergents royaux et, par une autre route, devancé leur détachement ? Pourtant, à Houdan, où il s’était renseigné, on lui avait bien dit que trois sergents, conduisant une dame, étaient passés depuis plusieurs heures. Le mystère se faisait de plus en plus dense autour de cette affaire.

Robert se résigna à rentrer en son hôtel, dormit peu, et avant l’aube partit pour Saint-Germain.

La gelée blanche couvrait les champs et les prés ; les branches des arbres étaient vernies de givre, et les collines, la forêt, autour du manoir de Saint-Germain, semblaient un paysage de confiserie.

Le roi venait de s’éveiller. Les portes s’ouvrirent pour Robert jusqu’à la chambre de Philippe VI, lequel était encore au lit, entouré de ses chambellans et de ses veneurs, et donnait des ordres pour la chasse du jour.

Robert entra d’un pas d’assaut, mit un genou au parquet, se releva aussitôt et dit :

— Sire, mon frère, reprenez la pairie que vous m’avez donnée, mes fiefs, mes terres, mes revenus, ôtez-m’en le bien et l’usage, chassez-moi de votre Conseil étroit auquel je ne suis plus digne de paraître. Non, je ne suis plus rien au royaume !

Ouvrant tout grands ses yeux bleus par-dessus son nez charnu, Philippe demanda :

— Mais qu’avez-vous donc, mon frère ? D’où vous vient cet émoi ? Que dites-vous ?

— Je dis le vrai. Je dis que je ne suis plus rien au royaume puisque le roi, sans daigner m’en informer, fait saisir une personne qui loge sous mon toit !

— Qui ai-je fait saisir ? Quelle personne ?

— Une certaine dame de Divion, mon frère, qui est de ma maison, servante à la robe de mon épouse



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